La reine Marie-Henriette à Spa
Mis à jour le 8 février 2021 par
Marie-Henriette-Anne de Habsbourg-Lorraine est la deuxième reine des Belges. Epouse de Léopold II, elle a vécu à Spa les 7 dernières années de sa vie. Le texte qui suit est extrait du livre « Le choix d’une reine : Marie-Henriette à Spa » édité à l’occasion de l’exposition que lui a consacré le Musée de la Ville d’eaux pour commémorer le centenaire de son décès en 2002.
Venue pour la première fois à Spa en 1856, Marie-Henriette promet au comte de Cornélissen, bourgmestre de Spa, de revenir pour un plus long séjour. Elle tiendra sa promesse, et bien au-delà, puisqu’en 1894, après une dizaine de villégiatures plus ou moins prolongées, elle décide d’acquérir une propriété dans la cité thermale. Pour des raisons de santé, elle a dû renoncer aux séjours à la mer du Nord tant appréciée par son mari.
Accompagnée du roi, elle visite de nombreuses villas, entre autres Spaloumont et la Villa Levoz, avant d’arrêter son choix sur l’Hôtel du Midi, qui sera acheté par la Liste civile. Les transformations apportées au bâtiment durent un an. L’aile ouest est abaissée de deux étages et deux galeries relient les différentes ailes. Si le « chalet de la reine », comme disent les journaux de cette époque, est bien modeste en comparaison du Palais de Bruxelles ou du château de Laeken, Marie-Henriette y est chez elle et peut le décorer à sa guise. Elle ne s’en prive pas et ramène du mobilier de Bruxelles.
Marie-Henriette peut enfin profiter des Ardennes quand bon lui semble, sans devoir, comme auparavant, investir un hôtel entier ou s’imposer chez un ou l’autre notable spadois. Elle a été l’invitée de M. Peltzer au château de la Fraineuse mais c’est le banquier Henri Hayemal qui l’a reçue le plus souvent, à L’Escalier royal, rue de la Sauvenière. Pour ce faire, la famille Hayemal devait déménager et l’on réquisitionnait également une partie de la maison voisine dont les écuries servaient à abriter les nombreux attelages amenés de Bruxelles. La reine entretient donc des liens privilégiés avec la famille Hayemal et accepte notamment d’être la marraine d’une petite-fille, née le 25 juin 1890, prénommée …Marie-Henriette.
L’installation officielle de la reine se fait le 15 juillet 1895 et donne lieu à de grandes réjouissances. La société Spa-Attractions, comité organisateur, se charge de remettre à la reine, au nom de la population spadoise, son buste en bronze, signé par le sculpteur Charlier, ainsi que des souhaits de bienvenue officiels portant deux mille signatures. Ensuite se déroule une partie musicale et la reine entend successivement : une Marche patriotique composée par J. Lecocq, le chef de l’orchestre de la ville, une cantate de Hubert Leloup chantée par les enfants des écoles communales et intitulée Vive la reine et l’Hymne à la Fraternité interprété par trois cents choristes, le tout accompagné par la grande Symphonie. Enfin, une fête de nuit, illumination générale et retraite aux flambeaux, termine la journée en beauté. Chaque année, à cette même date, de nouvelles fêtes commémoreront l’installation de la souveraine.
La Villa Royale comprend trois ailes. Si l’on en croit le Patriote illustré du 28 septembre 1902, la reine et sa dame d’honneur occupaient le premier étage de l’aile centrale tandis que le rez-de-chaussée était réservé au roi et à ses officiers. L’aile ouest comportait une vaste salle à manger. La reine commandait ses repas à l’Hôtel Rosette, contigu à la Villa Royale. Les invités logeaient à l’étage. C’étaient le plus souvent des parents ou des familiers de la Maison Royale pour lesquels elle avait une affection particulière. Chose inhabituelle, les épouses accompagnaient leur mari, ce qui accentuait le caractère intime de la visite.
Le pavillon situé à l’est, quant à lui, comprend une grande salle de réception, qualifiée « des fêtes » ou encore « des jeux » selon la source. A l’arrière de cette salle se trouve la petite chapelle, déjà citée auparavant. L’étage est destiné à l’inamovible baron Goffinet, secrétaire des Commandements de la reine.
Léopold II vient régulièrement à Spa mais il ne reste jamais longtemps. Le roi arrive en train et s’arrête parfois à la jonction de Pepinster pour continuer le trajet à pied tandis que la reine va à sa rencontre avec une voiture attelée, faisant en sorte de le rencontrer aux environs de Theux. Il ne manque jamais d’être là, avec la princesse Clémentine, le 23 août, pour l’anniversaire de son épouse, même s’il ne reste que quelques heures. Il considérait probablement cela comme un devoir.
La reine participe activement à la vie mondaine de la cité. Elle préside les manifestations tant culturelles que sportives. On la voit assister aux fêtes cyclistes, suivre le « paper-hunt », visiter les expositions, applaudir aux concerts dans la Galerie ou au théâtre, admirer les chars de la traditionnelle Bataille de fleurs. C’est une inconditionnelle des concours hippiques ; le jour même de sa mort, elle enverra encore un serviteur au champ des Sports pour connaître les résultats. Elle propose de mettre son influence au service de Spa en acceptant, par exemple, la présidence d’honneur du comité formé en vue de l’édification du nouveau Kursaal.
Elle entretient des relations suivies avec les notables de la région. Ceux-ci seront régulièrement invités à la résidence de l’avenue du Marteau, actuelle avenue Reine Astrid, généralement pour le goûter. A Laeken déjà, elle avait instauré la mode des « five o’clock », invitant à ces réceptions des personnalités belges qui faisaient l’actualité. Elle leur propose parfois de se joindre à elle pour une partie de croquet, l’un de ses passe-temps favoris. Même handicapée par la maladie, elle y joue encore, assise dans son fauteuil roulant.
Les trois dernières années, il semble qu’elle ne soit retournée qu’une seule fois à Bruxelles, en 1900, pour assister au mariage du prince Albert, futur Albert Ier, avec Elisabeth de Bavière.
A Spa, elle a trouvé un havre de paix et de tranquillité. Elle l’a choisi sciemment, selon ses goûts, retrouvant les éléments qui ont fait le bonheur de son enfance : la nature, les chevaux, la musique, le théâtre et quelques amis. Pendant ces sept années, elle va se soustraire progressivement aux obligations de sa charge, s’éloigner d’un mari humiliant et tenter d’oublier les drames qui ont jalonné sa vie. Cette vie que l’on pourrait résumer par deux phrases retrouvées dans ses Pensées et souvenirs :
« Souvent, le pauvre cœur humain est destiné à être broyé peu à peu »
« A certaines heures de la vie, l’isolement est le plus grand des bonheurs »